De Paris, en France, où il avait été évacué pour des soins et des examens médicaux, le président de la transition Dioncounda Traoré s’est adressé à la nation au sujet de son agression du 21 mai 2012. L’homme qui a échappé à la mort affirmait, deux mois plus tard, qu’il a pardonné à tous ceux qui l’ont agressé. Il avait reçu la visite du premier ministre Cheick Modibo Diarra. Récit d’un évènement tragique.
C’est un acte de Dieu. Le président de la Transition Dioncounda Traoré, première institution de la République, a survécu un 21 mai à l’agression d’une foule compacte comme le Révérend Franklin Justice a survécu à une exécution capitale dans la série Western « La Loi du Colt ». Le bourreau chargé de l’exécution de la sentence prononcée par la cour sur le meurtre commis par Franklin affirme que c’est un acte de Dieu d’avoir survécu à une exécution.
21 mai 2012/21 mai 2022, il y a exactement 10 ans, qu’un triste évènement tragique se produisait au Mali alors qu’on ne l’aurait jamais imaginé. C’était une folle journée. Ce jour-là, Des manifestants en grand nombre s’étaient dirigés vers le Palais présidentiel, siège du pouvoir suprême. Ils ont escaladé des collines pour atteindre le palais de Koulouba. D’autres marchaient à pied en défiant toutes les forces de l’ordre pour se rendre là où réside le président par intérim chef de l’État.
Deux Organisations étaient à l’époque vues comme les figures de proue de cette grande manifestation : la COPAM (Coordination des Organisations Patriotiques du Mali et le mouvement YEREWOLOTON, qui ont soutenu le putsch militaire et demandé au professeur Dioncounda Traoré de quitter le pouvoir faisant allusion aux 40 jours d’intérim. Ces organisations qui, après, ont démenti être impliquées dans l’agression du président en niant toute implication dans la manifestation. Les banderoles et pancartes que les marcheurs détenaient étaient hostiles à la CEDEAO, mais favorables aux militaires dirigés par le Capitane Amadou Haya Sanogo, qui sera plus tard bombardé général.
« A notre grande surprise, nous avons appris que le président par intérim Dioncounda Traoré est mort suite à l’agression perpétrée par des manifestants. Les protestataires se sont d’abord regroupés sur le Boulevard de l’indépendance pour un meeting qui va dégénérer. Soudain, un groupe s’était rendu à la Cité administrative pour rencontrer le Premier Ministre, Cheick Modibo Diarra (plein pouvoir) afin de lui faire part de leur doléance. Il s’agissait de leur opposition à toute prorogation au-delà des 40 jours intérimaires qu’ils clamaient tant depuis le jour de l’installation officielle du président Traoré dans le fauteuil présidentiel du pays.
Un autre groupe plus nombreux qui attendait leur retour de la Cité administrative décida alors de prendre le chemin du palais de Koulouba pour déloger le président Dioncounda de force », se souvient un manifestant qui s’opposait à toute agression. Ce jour-là, le palais présidentiel qui n’était plus vu comme un objet de curiosité a été transformé en un grand supermarché gratuit exposé au pillage et au saccage. C’était une scène de chaos auquel l’on assistait les yeux médusés.
« La catastrophe a été évitée de justesse »
A l’arrivée de la foule, rapporte un autre témoin oculaire, une dizaine de personnes ont été déléguées pour rencontrer le président. L’entretien de l’équipe mandatée aurait trop duré. Impatients, les manifestants ont défoncé les portes brandissant le cercueil bien confectionné pour éventuellement mettre le cadavre du président. L’une des principales cibles des saccages fut la grande porte de la salle de Banquets. A vrai dire, les militaires étaient débordés par la meute et n’ont pas osé faire usage de leurs armes. Un petit affrontement a eu lieu entre militaires et manifestants qui ont finalement pris le dessus. Sous les coups de pieds et de poing, le président houspillé perd connaissance. Ses vêtements sont arrachés. Quelques manifestants s’ajoutent aux militaires pour tenter de repousser les jeunes irrités. A coups de matraque, les renforts pénètrent pour sauver le président gravement touché. Sérieusement battu, le septuagénaire fut laissé pour mort. La catastrophe a été évitée de justesse !
Brusquement, c’est le silence de cimetière. On annonçait dans la foulée que le président Dioncounda est mort. Puisque ce n’était pas l’objectif de quelques-uns, c’est le « sauve qui peut ». Autrement dit, la débandade où chacun se tire d’affaire comme il peut. En conséquence, certains ont escaladé la colline du pouvoir afin de rejoindre leurs domiciles. Faute d’avoir peur, d’aucuns étaient obligés d’abandonner les objets pillés. Une phrase était à l’époque à la mode. C’est la réponse à la question, pourquoi pas Dioncounda ? « Je n’aime pas sa tête », en guise de réponse sans analyse objective.
Sage de son état, le professeur Dioncounda Traoré, qui avait bouclé ses 70 ans, a traversé une dure épreuve. Il a beaucoup souffert dans sa chair et dans mon âme. Mais ces souffrances, il les a acceptées volontiers si toutefois, c’est par là qu’il fallait passer pour que le peuple malien retrouve son équilibre.
« Agissons comme un seul homme pour arriver à faire face aux grandes difficultés que nous connaissons en ce moment », avait-t-il dit en état de convalescence. Ceux qui m’ont agressé, ajoute-t-il avec certitude, la plupart d’entre eux ne savaient même pas ce qu’ils faisaient. Accusés d’avoir participé à des troubles à l’ordre public, des manifestants ont été par la suite condamnés en août de la même année à six mois de prison avec sursis. Cet évènement reste le plus triste dans l’histoire politique de notre pays, car jamais, une divergence n’avait atteint ce seuil de haine et d’intolérance et c’était une grande humiliation pour toute la nation.
Âgé de 80 ans aujourd’hui, l’un des survivants des anciens présidents du Mali est aujourd’hui très sollicité dans les activités d’envergures nationales. D’après un témoin, même les petites activités de la rue, Dioncounda Traoré accepte de les parrainer.
La rédaction horontv.ml