À Fana, un acte odieux n’en finit pas de défrayer la chronique : Bakary Sangaré, « jeteur de cauris » devant l’Éternel, a été décapité par des individus non encore identifiés. La gravité du crime, selon les autorités judiciaires, prouve à suffisance que l’acte ne peut pas être l’œuvre d’une seule personne. Le procureur, Boubacar Moussa Diarra, n’a pas voulu entrer dans les détails de l’enquête toujours en cours.
Ancien militaire, divorcé sans enfant, Bakary Sangaré habitait un peu loin de la grande famille où il s’était retiré dans une maison construite en banco. Aux alentours de la maison en banco de Bakary Sangaré, une barre de fer est abandonnée, des traces d’engins à deux roues et des gouttes de sang éparpillées partout. Cet homicide est le 8e du genre en deux ans dans cette ville de plus 30 000 habitants. Le modus operandi est presque le même : les auteurs décapitent les victimes et abandonnent le corps. Ce que les gens qualifient de crime rituel, contrairement au parquet qui prend cela comme « une hypothèse de travail et d’investigation ».
Fana est un arrondissement du cercle de Dioïla, dans la région de Koulikoro. Cette localité, depuis des décennies, traîne la fâcheuse réputation d’être un haut lieu des crimes, notamment rituels. Pour mémoire, il y a deux ans, une petite albinos du nom de Ramata Diarra a été décapitée par des individus non identifiés et les conclusions des enquêtes ouvertes n’ont toujours pas été livrées.
Longue liste d’assassinats
L’assassinat de Bakary Sangaré est venu s’ajouter à une liste déjà longue d’assassinats pour la plupart jamais élucidés. « Avant qu’il ne soit assassiné, Bakary avait discuté avec une voisine du quartier. Il a raconté à celle-là qu’il avait reçu des visiteurs chez lui ces deux jours pour consultation, mais qu’il n’a vraiment pas confiance à ces derniers. Donc, pour lui, il serait mieux de déménager pour plus de sécurité », explique Boubou Sangaré, son grand-frère. Avant d’ajouter : « Suite à cela, une dame est venue chez lui pour une consultation. Quelques jours plus tard, la même dame est revenue, cette fois-ci en compagnie d’un homme. Au cours de l’entretien avec les deux visiteurs, la dame en question a reçu un appel téléphonique. Comme frais de travail, la visiteuse lui a remis 1000 francs CFA. Bakary a remarqué que quelque chose ne va pas, mais que ses cauris ne sont pas très clairs avec lui. Et les visiteurs sont rentrés ».
C’est pendant la nuit que Bakary Sangaré a été assassiné, et sa famille informée le matin. A leur arrivée, selon Boubou Sangaré, ils n’ont trouvé que le corps sans vie de Bakary, décapité. Alertées, les forces de l’ordre sont venues et ont transporté le corps. Un sentiment de tristesse et d’angoisse animent la famille. « Nous sommes tristes. Nous fondons notre espoir sur les autorités pour que la lumière soit faite sur ce crime. », a déclaré Boubou Sangaré, qui avait du mal à contenir ses larmes.
Insécurité et manque d’électricité
« Nous ne pouvons rien dire exactement sur les causes de ce drame pour le moment, fait remarquer Adama Traoré, le chef du village de Fana. Mais, les gens peuvent donner leurs versions des faits, qui ne sont pas forcément fondées. Seul Dieu sait. On ne peut indexer personne. Ce genre de chose n’est, d’ailleurs, pas bon pour notre image. Quand je dis que c’est telle ou telle personne, je vais mentir. C’est après avoir appris la nouvelle généralement qu’un suspect a été tué que je me lève pour alerter les forces de l’ordre pour voir le corps ».
À Fana, le manque d’électricité et l’insécurité sont le lot des populations. À l’exception des grandes artères, l’intérieur de la ville est dépourvu d’électricité. Ce qui, pour le chef du village, expose la localité à toutes sortes de danger : « En dehors des grandes voies et quelques services publics, il n’y a pas d’électricité. Généralement, les attaques se font dans des endroits qui échappent à notre contrôle. Ce sont vers les portes de sortie de la ville où les drames sont fréquents ».
Quant à la sécurité, plusieurs habitants ont affirmé avoir échangé avec les autorités. Pour autant, les assassinats continuent d’être perpétrés. « On a l’habitude d’échanger avec les autorités concernant la sécurité. Il n’y avait pas de forces de sécurité ici à Fana, à part l’unique gendarmerie. C’est après qu’on s’est battu qu’ils ont augmenté l’effectif des agents de cette unité. Après une pression, ils ont fait venir une unité de la police. Mais, nous avons pensé que l’arrivée de ces agents allait apporter des solutions, mais ça continue », déplore un habitant….
Malick Konate pour Horontv.ml