La 77eme Session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, AGNU, s’est tenue la semaine dernière. Les dirigeants africains haussent le ton à l’occasion du débat général, qui a lieu du 20 au 24 septembre 2022 au siège de l’Organisation à New-York.
C’est un rendez-vous qu’a lieu chaque année depuis la création de l’Organisation en 1945. À l’occasion du débat général, les chefs d’État et de gouvernement défilent à la tribune de haut niveau afin de présenter leurs priorités et se prononcer sur les grands enjeux mondiaux comme les escalades de tentions, les menaces de conflits, la lutte contre les changements climatiques et la sécurité alimentaire.
Après deux années de pandémie qui a secoué le monde, à cette 77e Session, la majorité des chefs d’État étaient présents en personne. À l’instar des autres dirigeants du monde, ceux des pays africains étaient présents à New-York. Les échanges de cette année portaient sur le thème : « Un tournant décisif : des solutions transformatrices face à des défis intriqués ».
Un thème qui prend tout son sens selon le président sénégalais Macky Sall, le premier officiel africain à prendre la parole devant l’Assemblée en tant que président en exercice de l’Union Africaine. Il estime que le monde est devenu plus dangereux et plus incertain, sous l’emprise combinée du réchauffement climatique, des périls sécuritaires et sanitaires, ainsi que de la guerre en Ukraine.
On reproche souvent aux décideurs africains de ne pas tenir un discours franc devant les grandes puissances. Mais les interventions lors de ce débat général annoncent une nouvelle ère, du moins un changement dans les rapports Afrique-Occident.
Le président Macky Sall a dénoncé les règles des cercles décisionnels internationaux qui confinent l’Afrique à la marge, il a plaidé pour la juste et légitime revendication africaine d’une réforme du Conseil de sécurité, ainsi que pour l’octroi d’un siège à l’Union africaine au sein du G20, afin de permettre à l’Afrique d’être représentée là où se prennent des décisions qui engagent des centaines de millions d’Africains.
Il a également interpelé le Conseil de Sécurité les menaces à la paix et à la sécurité́ en Afrique tout en appelant à la levée des sanctions étrangères contre le Zimbabwe. Pour lui, Ces mesures sévères nourrissent un sentiment d’injustice contre tout un peuple, et aggravent ses souffrances en ces temps de crise profonde.
Les dirigeants africains ont critiqué le système de gouvernance mondiale. « L’Afrique ne veut plus s’aligner sur les grandes puissances quelles qu’elles soient », soutenait le professeur Robert DUSSEY, chef de la diplomatie togolaise. Il estime que la voix de l’Afrique ne semble pas être entendue. Selon lui, le rôle assigné à l’Afrique en ce 21e siècle est évocateur de l’image que certaines puissances ont du continent : « uniquement leur zone d’influence ».
Rester loin des deux blocs antagonistes
Quelques jours avant le ministre togolais, à la même tribune, le président de l’UA disait qu’il est temps d’instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps tout en s’opposant à de valeurs locales érigées en normes universelles. Il met en garde contre les tentatives de faire de l’Afrique un terrain l’influence géostratégique « l’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire, elle ne doit pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide ».
On dirait des discours synchronisés, le Premier ministre intérimaire du Mali, le colonel Abdoulaye Maiga a, lui de son coté, demandé que le bilan sans complaisance de l’ancienne ère soit établi, que les enseignements soient tirés et que des recommandations objectives soient formulées, avant de s’adresser aux nostalgiques de la domination : « ayez le sens de l’empathie en Traitant les autres comme vous voudrez être traité » ou en « Ne faisant pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse », a-t-il conseillé.
Sur ce point, le ministre togolais pense que les grandes puissances veulent réduire l’Afrique à une entité purement instrumentale au service de leur cause, qui ne veulent pas que le contient joue un rôle important dans le monde « les Africains servent utilement à soutenir un camp contre un autre. Quand il s’agit de voter une résolution au Conseil de Sécurité, nous sommes activement sollicités d’un côté comme de l’autre. L’Afrique est alors très courtisée, voire même mise sous pression par certains de ses pays partenaires », s’est indigné le diplomate togolais devant l’assemblée.
Le Malien Abdoulaye Maïga demande aux grandes puissances de revoir leurs modèles et logiciels afin d’intégrer le changement de mentalités et l’évolution du monde dans vos grilles de lecture et d’analyse. Le Professeur DUSSEY affirme que l’Afrique actuelle n’est plus celle des années 1945, encore moins des années 1960.
Au regard de différentes interventions des responsables africains lors de cette grande messe diplomatique, les observateurs sont unanimes là-dessus qu’un nouvel ordre se définie entre le continent et les autres puissances. L’Afrique veut rester loin des deux blocs antagonistes qui ont structuré le monde d’après-guerre du XXè siècle.
La Rédaction : Horontv.ml