Les tensions entre le Mali et la France n’ont cessé d’escalader depuis le second coup de force des militaires qualifié à l’époque par Paris d’un second putsch. Ce lundi 2 mai 2022, le ministre malien de l’Administration territoriale, porte-parole du gouvernement a annoncé, dans un communiqué lu sur les antennes de la Télévision Nationale, la volonté de Bamako de rompre les accords de défense avec la France. Retour sur les grandes dates qui ont conduit à ce divorce.
Abandon en plein vol
C’est un feuilleton qui dure depuis que Paris a suspendu ses opérations militaires avec les FAMas en début de juin après le renversement des premières autorités transitoires. Le président français avait, par la suite, évoqué le projet de restructuration de la force Barkhane. Une décision qui a poussé le premier ministre malien de parler devant l’Assemblée générale de Nations Unies d’un abandon en plein vol. Dès lors, les tensions entre les deux alliés historiques dans la lutte contre le terrorisme n’ont cessé de s’accroitre.
Rumeurs sur Wagner
En décembre 2021, les rumeurs sur un prétendu recours des autorités maliennes au service d’une société paramilitaire russe enveniment les relations. Des accusations qui ont fait réagir les officiels français. La ministre française des Armées, Florence Parly avait prévenu que son pays n’allait pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires, mais avait ajouté aussi qu’il n’allait pas quitter le Mali.
Communiqué conjoint
En fin décembre de la même année, la France et quatorze partenaires internationaux ont condamné dans un communiqué conjoint la présence soupçonnée des mercenaires russes de Wagner au Mali. Les autorités maliennes de leur côté font savoir que l’État malien n’est engagé que dans un partenariat d’État à État avec la Fédération de Russie qui demeure son partenaire historique. Elles reconnaissent tout de même la présence des formateurs russes dans le cadre du renforcement des capacités opérationnelles des Forces Armées maliennes au même titre que la mission européenne de Formation.
Sanctions de la CEDEAO
En début janvier, les États membres de la CEDEAO ont pris des sanctions diplomatiques et économiques contre le Mali. Une décision qui a été saluée par la France, qui a demandé une résolution de l’ONU pour les soutenir. Bamako digère mal cette posture de son partenaire, et parle d’instrumentalisation de l’Organisation par une puissance extrarégionale.
Retrait des forces danoises
Le 24 janvier 2022, en plein bras de fer avec la Communauté Internationale, le pouvoir militaire dirigé par le Colonel Goïta demande au Royaume du Danemark de retirer immédiatement son contingent militaire au sein de la Force Takuba. Selon Bamako, ce déploiement avait été fait sans son consentement. Les autorités danoises ont estimé que leur bataillon n’était pas le bienvenu et l’ont retiré sans d’autres commentaires. Les officiels français qualifient cette décision de provocations et multiplient des attaques médiatiques. Dans une déclaration, a fustigé le ministre français des Affaires Étrangères, les autorités maliennes d’une junte illégitime qui prend des mesures irresponsables. Le ministre malien des affaires étrangères dans un entretien accordé à Rfi et France 24 répond à son homologue du Quai d’Orsay, Le Drian par ces termes : « les insultes et le mépris ne sont pas un signe de grandeur. », avait répliqué le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop.
Expulsion de l’ambassadeur de France
Le 31 janvier, le ministre des Affaires Étrangères malien, Abdoulaye Diop a convoqué l’ambassadeur de France, Joël Meyer, où il lui notifie la décision de quitter le pays dans un délai de soixante-douze heures. Les autorités maliennes ont justifié cette décision par les récentes déclarations « hostiles » de responsables français à leur encontre. La France a « pris note » de cette décision et a « décidé de rappeler son ambassadeur. »
Retrait de Barkhane
Alors que la rétrocession des bases militaires françaises se poursuit au Mali dans le cadre de la réorganisation de la force Barkhane, le 17 février, Emmanuel Macron a annoncé le retrait militaire de la France au Mali. Le lendemain, dans un communiqué, les autorités maliennes qualifient se retrait d’unilatéral et demande à la France de retirer sans délai ses forces militaires. La France réplique qu’elle se retira en bon ordre.
Suspension de Rfi et France 24
En mi-mars, après des accusations d’exactions des civils faites contre l’armée malienne par des ONG, l’information avait été largement diffusée par les médias français. Sur fond de crise diplomatique aigue, le gouvernement malien décide de suspendre deux médias français notamment, Rfi et France 24.
Bamako a dénoncé une campagne de dénigrement de la part de ces médias. Une décision perçue par le président français comme le signe d’une course en avant vers le pire. Cette suspension est devenue définitive le 27 avril par la Haute Autorité de la Communication (HAC).
Charnier de Gossi
Jamais les crispations entre les deux pays n’avaient atteint un tel niveau. La guerre médiatique se poursuit de deux coté. Le 21 avril, après la restitution de la base militaire de Gossi, l’armée française remet des images drones à des chaines de télévisions sur lesquelles on voit des hommes ensevelir des corps sans vies, faisant croire qu’il s’agissait des mercenaires russes. L’armée malienne de son côté annonce l’ouverture d’une enquête suite à la découverte d’un charnier auprès d’un camp cédé récemment par les forces françaises.
Elle ajoute que l’état de putréfaction avancée des corps indique que ce charnier existait bien avant la rétrocession. Et par conséquent, la responsabilité de cet acte ne saurait nullement lui être attribuée. Une réaction prudente, surtout qu’elle fait déjà l’objet d’une cabale médiatique après ses opérations militaires à Moura.
Violation de l’espace aérien
Le 26 avril, dans un communiqué, le gouvernement malien accuse l’armée française d’une violation de son espace aérien pour des fins d’espionnage, de l’intimidation et de la subversion. La France brandit les traités de défense avec le Mali qui lui donne droit de survoler.
Dénonciation des accords de défense
Ce 2 mai, après plusieurs mois d’escalade diplomatique, le gouvernement malien a notifié aux autorités françaises une dénonciation des traités de défense les liant. Une décision qui prendra effet six mois après, selon l’article 26 dudit traité dans ses dispositions finales « Chaque partie peut dénoncer le présent traité par le biais d’une notification écrite. Cette dénonciation prend effet si mois après réception de la notification par l’autre partie ». Parmi les motivations de Bamako : » Les multiples violations » de l’espace aérien malien. Selon le ministre malien des Affaires Étrangères, Il n’y a plus de base légale pour la France d’opérer sur le sol Malien. Le Quai d’Orsay considère cette décision injustifiée et conteste formellement toute violation du cadre juridique bilatéral qui serait imputable à la force Barkhane. Dans la même note, il ajoute que la France poursuivra son retrait en bon ordre.
Cette décision était inévitable eu égard au degré de détérioration des relations entre les deux États. Maintenant que le divorce est acté, le Mali se rapproche de plus en plus avec la Russie, la livraison de matériels militaires. À noter qu’hier à la demande de la Russie, le conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni sur la situation au Mali. Elle se dit très préoccupée par la violation de l’espace aérien du Mali.
La rédaction horontv.ml