Dans une interview qu’il a accordée à l’Ouverture Média et d’autres médias à la veille et au lendemain de la sortie du rapport du haut-commissariat des nations unies aux droits de l’Homme, Me Moctar Mariko, président de l’Association malienne des droits de l’Homme, est revenu sur la position de son organisation concernant l’attaque survenue à Mourah et plusieurs autres questions. Il évoque la désolidarisation et les griefs de son organisation au sujet du rapport de la FIDH de novembre 2022 incriminant les groupes armés terroristes, les milices, les Forces Armées maliennes et le groupe Wagner. Des reproches et certaines informations données par Me Mariko ont préalablement été dénoncés par la Fédération internationale pour les droits humains dans sa note explicative de décembre 2022, suite à notre investigation.
Les sorties médiatiques du patron de l’Association malienne des droits de l’homme sur la situation de Mourah qualifiées de diffamation sembleraient renforcer le désaccord entre fédération internationale pour les droits de l’homme, et AMDH, ligue affiliée depuis des décennies. D’après nos investigations, il y a d’énormes ambiguïtés sur cette position de Me Moctar qu’il avait d’ailleurs évoquées auparavant.
Expliquant la position de son organisation sur la situation de Mourah, le président Mariko a fait savoir que l’approche de son organisation avec la FIDH consiste à mener des enquêtes sur des situations pareilles et pour cela une délégation composée de la FIDH et quelques membres du bureau national de l’AMDH se rendent sur le terrain. Ce qui, pour lui, n’a pas été fait dans la règle de l’art.
« Malheureusement, à la suite de l’attaque survenue à Mourah, ils nous ont envoyé un communiqué incriminant les FaMas alors que ni la FIDH, ni l’AMDH n’a été sur le terrain pour avoir des éléments pouvant incriminer les FAMas et le groupe Wangner (Wagner) » se désolidarise-t-il.
Ainsi, il affirme être rentré en contact avec leurs répondants locaux de la région de Mopti pour confirmer ou informer ce qui est évoqué dans le communiqué proposé par la FIDH. Ces derniers, explique-t-il, ont nié cela rapportant qu’ils ne sont pas au courant de cette situation.
Me Moctar est allé jusqu’à évoquer une autre situation antérieure, « Je me rappelle qu’un autre responsable du nom de Florent Geel avait essayé de nous faire la même chose en 2012 en coordination avec Human Right Watch en prenant des images horribles incriminant les FAMas. Je n’étais pas d’accord non plus avec cette déclaration à l’époque d’autant plus que l’information n’avait pas été partagée avec l’AMDH avant sa diffusion », appuie-t-il.
Selon Me Mariko, « Suite à cette désolidarisation du bureau national de l’AMDH du dernier rapport, la FIDH a développé une autre stratégie poussant certains membres du bureau à tenter de diviser l’organisation », a-t-il reproché.
Suite à ces déclarations du président de l’AMDH, nos investigations nous ont permis de faire un équilibre entre les parties impliquées dans cette situation. Selon la note explicative datant du 16 décembre 2022 de la Fédération internationale pour les droits humaines, que nous avons consultée, le bureau de ladite fédération, n’était pas aller par quatre chemins pour se faire entendre.
Me Moctar Mariko, alors président de l’AMDH, s’est livré à un dénigrement de la FIDH en niant la commission de violations des droits humains commises dans le pays, mentionnées dans le rapport de la Fédération.
En effet, dès le début de la crise et du conflit au Mali en 2012, l’AMDH et la FIDH avaient décidé d’initier une action conjointe pour contribuer à la promotion et à la protection des droits humains ainsi qu’à la lutte contre l’impunité pour les graves crimes commis par toutes les parties au conflit.
Pendant près de dix ans, les deux organisations ont structuré et renforcé cette action, notamment via la mise en place d’un programme et d’un bureau conjoints, rendus possibles par plusieurs financements de l’Union européenne et de la coopération français.
Cette collaboration entre l’AMDH et la FIDH est aujourd’hui, mise à mal par des propos tenus par Me Moctar Mariko, en sa qualité de président de l’AMDH.
Ces propos, tenus lors d’interview accordée par Me Mariko à la suite de la publication du dernier rapport de la FIDH sur la situation au Mali, constituent donc des actes de dénigrement et de diffamation contre la FIDH, ses méthodes et ses équipes.
Pourtant ces déclarations publiques ont bel et bien été faites après que Me Mariko a signé et déposé certaines rédactions.
Sur Mourah, Moctar avait déclaré que, certaines raisons l’ont amené à se dissocier de la position de la FIDH en disant « AMDH n’a ni de près ou de loin parlé de la situation de Mourah ». A contrario, nos vérifications nous ont permis de savoir que l’AMDH, Avocats Sans Frontière Canada, Amnesty international et la FIDH ont pris une position commune sur Mourah dans une déclaration datée du 6 avril 2022 et disponible sur internet. Le Rapport de l’ONU sur Mourah confirme également cette déclaration commune sur Mourah (renvoi au lien).
Aussi, à travers l’ORTM, Me Moctar a martelé que ce rapport de l’ONU « n’est que du plagia du rapport de la FIDH » en s’interrogeant « qui a copié qui » ? Nos recherches nous ont permis de savoir que le rapport de l’ONU est de loin plus détaillé, méthodologique et étayé que celui de la FIDH, il contient plus de témoignages et éléments factuels, ce qui est normal car les nations unies ont plus de moyen que la société civile. Aussi, selon certains spécialistes, il est plausible que différentes organisations recueillent les mêmes témoignages d’une même situation. Donc, il n’est pas étonnant que les mêmes témoignages se trouvant dans le rapport de rapport de l’ONU se trouvent dans les rapports de Human Right Watch Amnesty, de la FIDH et d’autres organisations. Pour boucler ce chapitre, on peut facilement reconnaître que le rapport publié par la FIDH en novembre 2022 n’est pas focalisé sur Mourah, il n’y a que quelques pages consacrées à Mourah, sinon elle traite d’au moins d’une dizaine d’incidents sur 3 ans dont ceux de Diallassagou, Songo, N’tola, Diabaly, Boni, Bounty, Mourah… impliquant les terroristes, les milices, les FAMA et les forces étrangères. Parlant des forces étrangères, nous avons retrouvé un communiqué conjoint de l’AMDH, FIDH sur Bounty, communiqué défendant le rapport de l’ONU sur l’incident de Bounty impliquant les forces françaises défendues à l’époque par les autorités maliennes avant une récente retro pelage à la tribune des nations unies.
Le président de l’AMDH a évoqué d’autres questions relatives au fonctionnement même de l’Organisation dont certaines parties de ses explications restent perplexes, notamment l’origine du financement de l’organisation, les avantages accordés au président, les cotisations des bonnes volontés entre autres.
En outre, un doute apparait pour ce qui concerne cette position nouvelle de Me Mariko qui, auparavant, avait jugé plus impartiale, l’enquête de la Cour pénale Internationale sur Ogossagou par rapport à celle du gouvernement malien en novembre 2019. Pendant que les enquêteurs dépêchés par le gouvernement malien avaient commencé à travailler sur le massacre d’Ogossagou, l’AMDH à travers son président, avait préféré s’en remettre à la CPI qui, selon lui, offrirait plus de garantie d’impartialité (référence et lien de la publication à intégrer).
Dans son intervention sur des antennes radiophoniques, Me Mariko déclare : « Nous pensons que c’est la CPI qui est mieux indiquée pour mettre d’accord tout le monde ».
A l’analyse de l’intervention du président de l’AMDH, il y a beaucoup d’autres incohérences et de contradictions à signaler. D’abord, Me Mariko qualifie les gens d’ennemis des militaires, pourtant la dénonciation du coup d’État est un principe cardinal de l’AMDH, l’un des meneurs de l ‘avènement de la démocratie au Mali et qui, d’ailleurs a fait beaucoup de communiqués depuis les premières heures de la création de l’organisation et a même fait dans un journal de la place condamné le cout d’État de mai 2021 tout en demandant au CNSP à accepter le transfert du pouvoir à un gouvernement civil consensuel ». En parlant des droits de la femme, on s’interroge s’il y a des organisations contre les droits de la femme car, tout en martelant qu’il n’est pas contre le femmes, il déclarait certaines conventions internationales telles que la convention internationale contre la discrimination à l’égard des femmes, le protocole de Maputo, contraires à nos valeurs traditionnelles alors que l’AMDH milite depuis des années en faveur de la ratification et l’application des textes favorables aux droits de la femme, l’abolition de la peine de mort, la domestication du Statut de Rome. Le Président Moctar évoque également que le Mali a signé beaucoup de textes dont celui de la Cour pénale Internationale qu’il n’aurait dû pas ratifié et qu’il est possible de se retirer de la CPI qui serait un obstacle au combat contre le terrorisme. Et pourtant, on peut constater à travers les publications anciennes, qu’il a effectué beaucoup de voyages au siège de cette juridiction internationale pour rencontrer Fatou Ben Souda et militer pour les affaires maliennes ouvertes à la CPI dont l’AMDH a joué un rôle important dans la saisine, comme déclaré par lui-même dans une de ses interviews. Me Moctar Mariko de l’AMDH fait également la confusion entre certaines organisations dont il évoque les noms de certaines personnalités publiques de la France, telle que Jean Yves le Drian qui serait, selon lui, derrière ACLED. Notre analyse nous permet d’infirmer cela, car le nom de la personne est plutôt associée à ACTED, une autre organisation humanitaire. L’AMDH fustige ne pas être consulté par la MINUSMA pendant l’enquête. Nos recoupements nous ont permis de savoir que la MINUSMA n’a aucune obligation d’impliquer une association en particulier et que d’un autre point de vue AMDH n’est pas la seule organisation au Mali et que la MINUSMA a quand même fait référence à leur déclaration commune sur Mourah.
Tout cela constitue en un mot, des désinformations que les gens doivent savoir.
Par ailleurs, la Commission nationale des droits de l’Homme du Mali, qui est l’autorité administrative indépendante, contrairement à l’AMDH, ne jette pas le discrédit sur le rapport fourni de l’ONU. Sur un plateau télévisé de la place du Mali, le président de ladite commission, Aguibou Bouraé, a expliqué de façon technique et objective le mécanisme des enquêtes. Selon Bouaré, ce n’est pas la première fois que la division des droits de l’homme et de la protection de Minusma, produit un rapport au Mali sur la situation des droits de l’homme. Pour mémoire, il a rappelé l’affaire de Bounty où la même division avait sorti un rapport pour incriminer Barkhane. A l‘époque, précise-t-il, le gouvernement était de la même posture que Barkhane afin de rejeter ensemble le rapport produit par le même mécanisme. « Cette fois-ci, on assiste à l’effet contraire, car c’est le gouvernement qui rejette le rapport, or ce rapport a suivi la même méthodologie », a-t-il ajouté avant de conclure que « qu’en la matière, il est fait recours à des témoignages pour la rédaction des rapports…Je dis les choses sur la base des principes et non pour faire plaisir à X ou Y.. » Sur ce même plateau, certains s’étaient interrogés sur la position de l’AMDH, question à laquelle Chahana Takiou, Journaliste et éditorialiste, se sont interrogés sur l’éventualité d’un conflit d’intérêt dans la position de l’AMDH, son Président Me Moctar Mariko étant aussi membre du Conseil National de la Transition nommé donc par décret du Président de la Transition. Quid de la position d’autres organisations, nous n’avons eu écho d’aucune autre position qu’elle soit pour ou contre, venant d’autre autre organisation. Le silence vaut-il acceptation du rapport de l’ONU ? Rejet ? Allons-y le savoir….
Officiellement, la CNDH a réagi au rapport dans une déclaration rendue publique le 22 mai 2023, et dans laquelle elle prend acte à la fois du rapport onusien et le communiqué du Gouvernement du Mali tout en réitérant son invitation à ce dernier « par rapport à la mise en place d’une commission d’enquête indépendante ».
La rédaction : Horontv.ml