Arrêtés au Mali le 10 juillet 2022, les soldats ivoiriens au départ qualifiés de mercenaires ont été, à travers une audience à huis-clos, jugés et condamnés le 30 décembre dernier, plus de cinq mois plus tard.
20 ans de réclusion criminelle et deux millions d’amande. Peine de mort et 10 millions d’amende. Confiscation des armes ayant servi la commission des infractions. Telle est la sentence prononcée dans l’arrêt de la cour d’assises contre les militaires ivoiriens détenus depuis juillet 2022 au Mali. L’audience tenue en huit-clos s’est déroulé du 29 au 30 décembre 2022.
Nous sommes en début du mois de juillet, une information qui sera plus tard confirmée de façon officielle par le gouvernement, circulait sur les réseaux sociaux, rapportant l’interpellation de 49 soldats ivoiriens au Mali. Le communique est lu à la télévision nationale par le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maiga. L’affaire prise au sérieux, les autorités ivoiriennes ont réagi officiellement, le 12 juillet 2022, à travers un communiqué du Conseil National de Sécurité́ pour, d’une part, indiquer que les 49 soldats étaient bel et bien des militaires ivoiriens en mission officielle et légale au Mali et, d’autre part, exiger leur libération sans délai. La Côte d’ivoire insistait également que ces soldats sont au Mali dans le cadre légal des opérations des Éléments Nationaux de Soutien (NSE). Une déclaration prise en contre-pied par l’ONU qui affirme que ces soldats arrêtés ne sont pas de la MINUSMA. Une confusion se créé, car le porte-parole de la MINUSMA affirme à travers un « tweet » que les autorités maliennes avaient préalablement été informées de l’arrivée des 49 militaires ivoirines par avion civil. Une allégation démentie par le gouvernement malien qui fait un communiqué le 20 juillet invitant le porte-parole de la MINUSMA à quitter le territoire malien, et ce dans un délai de 72 heures. Non contente de la décision, la Mission intégrée réplique dans un communiqué affirmant son regret.
Extrade vers le Mali
En vue de parvenir à un « dénouement heureux », le gouvernement malien a fait appel à une médiation du Togo du président, Faure Gnassingbe. Une initiative acceptée par la Côte d’Ivoire. Mais, les premières négociations, qui ont eu lieu à Lomé, le 28 juillet, n’ont pas abouti. En dépit de cet échec, la négociation restait privilégiée.
Dans un communiqué lu par le secrétaire exécutif du Conseil national de Sécurité, (CNS), Fidèle Sarassoro, déclare le 9 septembre qu’au moment où l’opinion publique s’attendait à la libération prochaine des 46 autres soldats, les autorités maliennes ont demandé qu’en contrepartie de la libération de ces 46 militaires, la Côte d’Ivoire extrade vers le Mali, des personnalités qui selon elles, ‘’bénéficient de la protection de la Côte d’Ivoire pour déstabiliser le Mali. Une demande, qui, pour les autorités ivoiriennes confirment une nouvelle fois que « ses soldats ne sont, en aucun cas, des mercenaires mais plutôt des otages ». Avant d’exiger derechef la libération sans délai des 46 soldats ivoiriens.
A la tribune de la 77ème Assemblée générale des Nations unies, le 21 septembre, le président Alassane Ouattara, a appelé les militaires au pouvoir au Mali à libérer les soldats ivoiriens. Selon lui, ils sont injustement détenus alors qu’ils étaient en déploiement en qualité de 8ème détachement de l’élément de Soutien national (ESN) au sein de la MINUSMA.
A New-York où il prend part à la 77è session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le président nigérien, Mohamed Bazoum, a accordé une interview aux confères de RFI. Sur la question des soldats ivoiriens, le président nigérien, Mohamed Bazoum, a jugé totalement absurde l’attitude des militaires au pouvoir en estimant que Alassane Ouattara a été trahi par les autorités maliennes.
Le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, alors président en exercice de la Cédéao s’est dit favorable à la libération des soldats. Lors du sommet de la Cédéao à New York du 21 septembre 2022, il a déclaré que les soldats ne sont pas des mercenaires.
Lourdes peines
Dans un communiqué publié le 26 septembre, le secrétariat de l’ONU, qui a appelé à la « libération immédiate » des 46 soldats, soutient fortement tous les efforts pour faciliter cette libération ainsi que la restauration de la confiance et la promotion du bon voisinage entre les deux pays.
Le 28 septembre, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin apporte son soutien à la Côte d’Ivoire lors de sa visite à ‘Abidjan. Selon lui, Paris est indigne par le sort de ces militaires, avant de qualifier la situation de la « Prise d’otages ».
Le 29 septembre 2022, deux chefs d’état de la CEDEAO ont été dépêchés afin de tenter une solution au problème des soldats ivoiriens. La délégation était composée des présidents Adama Barrow de Gambie et Nana Akufo Addo du Ghana, accompagnés de Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères, représentant le président Faure Gnassimbé, médiateur désigné
A l’issue de la rencontre, aucune déclaration n’a été faite ni par les autorités maliennes ni par la médiation.
Ultimatum
Réunis en sommet le 4 décembre à Abuja au Nigeria, les dirigeants des États d’Afrique de l’Ouest réclament aux autorités maliennes de la transition la libération des soldats ivoiriens avant la fin de l’année sous peine de nouvelles sanctions.
A Bamako, le 22 décembre, une délégation ministérielle s’est rendue à Bamako afin de rencontrer les autorités maliennes sur la question des 46 soldats ivoiriens détenus au Mali. Les deux parties ont discuté sur la question.
Une semaine plus tard, le procès est programmé pour les 29 et 30 décembre 2022. Ce procès, faut-il rappeler, intervenu après l’ultimatum fixé au 1er janvier 2023 par les chefs d’État ouest-africains aux autorités de la transition.
Une audience à huis-clos. Aucun journaliste n’a été admis à la salle. Le verdict a été rendu public à travers un communiqué. Elle a duré deux jours. ?
Assistés par un pool de cinq avocats, les soldats ivoiriens accusés ont finalement été condamnés à une peine de 20 ans de réclusion criminelle pour les comparants et une peine de mort pour les trois soldates libérées en septembre dernier et les non comparantes écopent d’une peine de mort par contumace. Sans oublier les amendes de deux millions pour chacun des 46 et 20 millions pour les trois autres. En outre, il a été ordonné de confisquer, les armes ayant servi à la commission des infractions retenues à la charge des accusés.
Les 46 militaires ivoiriens, pour rappel, étaient poursuivis pour « association de malfaiteurs, attentat et complot contre le gouvernement, atteinte à la sûreté extérieure de l’État, détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ou de défense intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle et collective ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.
Avec ces lourdes peines, peut-on, parvenir à un dénouement heureux dans les relations entre les deux Etats ?
La Rédaction : Horontv.ml